C’est un bout de terrain aussi grand que le Pâquier. Comme lui, il est verdoyant et situé à Annecy, juste au bord du lac. En revanche, il n’est pas plat, mais plutôt pentu. Et surtout, il est complètement interdit d’accès, puisqu’il est privé. Heureusement, cela ne sera bientôt plus le cas. Dans quelques mois, les Annéciens bénéficieront d’un accès libre à ce lieu au nom évocateur : le domaine de la Tour.
1. Cet endroit, c’est quoi ?
Il s’agit d’un ensemble terrain et villa de 7,2 hectares posé au 17 avenue de Chavoires, à la frontière entre Annecy-le-Vieux et Veyrier-du-Lac, sur la rive Est. Pour ceux qui connaissent, c’est le grand parc situé juste à droite de la pizzeria Sapaudia Express (anciennement Pépone), en face de la promenade des pontons. On peut parfois y voir des chevaux gambader et le chemin rural de la montagne, qui sert de rampe d’accès à la randonnée du Mont-Veyrier, longe son flanc Nord. On y trouve également quelques ruines sans aucune valeur architecturale ou patrimoniale.
Pour Christian Schwoehrer, le directeur d’Asters (le conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie), ce site, qu’il décrit comme un « balcon paysager de premier ordre », est un « véritable bijou ».
2. Quelle est son histoire ?
Après avoir connu son heure de gloire en hébergeant l’écrivain Eugène Sue entre 1853 et 1857, le domaine de la Tour est passé de mains en mains au cours des décennies suivantes. Sans jamais vraiment changer de visage ni d’identité. Dans les années 1980, il a notamment appartenu au célèbre chef, Marc Veyrat. Actuellement, il est la propriété de la famille suédoise Högland.
3. Pourquoi va-t-il être ouvert au public ?
Cela fait quelques mois, voire quelques années, que Peter Högland et son épouse cherchent à vendre le domaine de la Tour. Or, il se trouve que récemment, un acquéreur s’est fait connaître, leur proposant un prix acceptable pour le tènement. Pourtant, cette vente de particulier à particulier ne s’est pas faite car la Ville d’Annecy, craignant une dégradation du site (lire ci-dessous), est intervenue.
La collectivité a en effet demandé à la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) de préempter la vente. Ce que cette dernière a accepté car il est en partie agricole. Puis, lors du conseil municipal du 29 mars dernier, la municipalité a donné son feu vert à un rachat de l’ensemble via l’Établissement public foncier de Haute-Savoie. Montant de l’opération : un peu moins de 5 millions d’euros.
Toutefois, ce jeu de dominos pourrait ne pas être totalement terminé. N’étant pas certaine de pouvoir régler la totalité du chèque, la Ville d’Annecy a sondé le conseil départemental pour voir s’il pouvait se porter acquéreur du domaine au titre de la préservation des espaces naturels sensibles. Une proposition que le Département est en train d’étudier.
Quoi qu’il en soit, et quel que soit son futur propriétaire, il est désormais acquis que le domaine de la Tour deviendra sous peu un lieu public.
4. Comment va-t-il être aménagé ?
Au cours de la séance du 29 mars, le maire d’Annecy François Astorg a martelé plusieurs fois sa volonté d’« ouvrir ce lieu aux Annéciens tout en le maintenant en l’état ». Pour l’élu, l’objectif est clair : « Il ne faut rien y construire, seulement lui donner une orientation agricole et paysagère. » Le Département, s’il devait être l’acheteur final, est d’accord avec cela. Idem pour Christian Schwoehrer, même si ce dernier estime qu’on pourrait y intégrer des dimensions « pédagogique et ludique ». Sans oublier un rappel de son rôle de « porte d’entrée vers le Mont-Veyrier ».
Ancien élu d’Annecy-le-Vieux qui a longtemps milité pour que le domaine de la Tour devienne ouvert – et qui se réjouit que cela soit enfin le cas –, Jean-Jacques Pasquier considère que ce serait un « excellent endroit pour que les gens viennent apprendre ». Il y voit des arboretums, des jardins et peut-être un verger ou du maraîchage éphémère. « Il ne faut pas juste mettre des tables de pique-nique. Il faut se creuser la tête. On n’a pas besoin d’un Pâquier bis », exhorte-t-il.
Quant à la villa, nul ne sait ce qu’elle va devenir. Mais là aussi, les idées fusent. Une maison de la littérature, en hommage à Eugène Sue, est imaginée. De même qu’une bibliothèque. « Elle pourrait aussi être subdivisée ou bien revendue », estime François Astorg.
«Pas de petit Disneyland!»
Si la Ville d’Annecy a été aussi prompte à intervenir, c’est parce que la personne qui souhaitait acheter le domaine de la Tour à la famille Högland avait dans l’idée d’y installer des structures « commerciales et de loisir éphémères ». Opérations permises par le PLU.
Or, cette ambition a eu le don d’irriter prodigieusement le maire François Astorg : « Nous n’imaginons pas des toboggans ou des châteaux gonflables être installés à cet endroit. Notre volonté est de rendre les rives du lac aux Annéciens, pas de laisser s’ériger un petit Disneyland. »
Date de mise à jour : 18/11/24
Date de création : 31/05/21
Source : Jean-Baptiste Serron