On n’avait pas vu ça depuis les débats sur feu le projet de centre de congrès sur la presqu’île d’Albigny ! Et on exagère à peine. Jeudi 25 mars, en conseil communautaire, les 93 élus de l’agglomération du Grand Annecy se sont longuement écharpés autour d’un dossier que l’on n’imaginait pas aussi clivant : la mise en place de navettes gratuites sur les rives du lac, à titre expérimental, dès l’été prochain. Un service qui concernera aussi les montagnes (col de la Forclaz et Semnoz).
Après une présentation engagée et exhaustive de Didier Sarda, vice-président en charge de la mobilité active, la délibération a laissé place à une salve de déclarations et à une foule d’arguments. Certains en faveur de l’initiative, d’autres non. En voici quelques-uns.
« L’idée derrière cette démarche, c’est de provoquer un choc. Parce que du report vers le vélo ou la marche on en a, mais vers le bus non. Il faut que la personne qui pense que ça ne lui coûte rien d’aller à la plage en voiture constate que ça ne lui coûte rien non plus d’y aller en bus. On dit aux gens : venez tester le bus, venez voir comment c’est. Et si ça leur plaît, ils reviendront en septembre et on leur fera alors une offre tarifaire adaptée (ndlr : le Pass événementiel). »
« La gratuité, c’est contestable », Jean-Luc Rigaut – conseiller communautaire d’opposition
« Même si j’entends que c’est une expérimentation, et que les expérimentations c’est bien, je trouve que la gratuité, en revanche, c’est contestable. D’abord parce que cela implique une perte de tarification sociale, ensuite parce que la gratuité, ça se paie toujours, et enfin parce que cela risque fort d’être les entreprises, qui souffrent déjà, qui vont justement la payer. »
« Cela fait partie d’une somme de solutions », François Astorg – vice-président en charge des transports en commun
« Certes les navettes gratuites ne vont pas supprimer les embouteillages, ni améliorer la qualité de l’air. Ça ne résoudra pas tout, c’est évident. Mais cela fait partie d’une somme de solutions qu’il est urgent de mettre en œuvre. Le lac en a besoin. D’ailleurs, ce lac, c’est le patrimoine de tous les Grands Annéciens, et pas seulement celui de ceux qui vivent à côté. Pour finir, je rappelle que lors des deux sessions d’assises de la mobilité saisonnière que nous avons organisé, on a compris que nous étions attendus là-dessus. »
« Il y a un problème d’égalité entre les territoires », Denis Duperthuy – vice-président en charge des finances
« Je trouve qu’il y a un problème d’égalité des territoires. Certaines communes se trouvent périphérisées. On va favoriser, touristiquement parlant, le lac alors qu’il existe d’autres territoires, comme le Pays d’Alby, qui le mériteraient. Le tourisme vert, patrimonial, il faut le développer aussi. Y’a pas que le lac ! Et puis avec cette mesure, une personne qui vit à Saint-Jorioz ou Talloires pourra aller à Annecy gratuitement mais pas quelqu’un qui vit ailleurs. »
« Beaucoup de start-ups font de la gratuité au début », Aurélien Modurier - conseiller communautaire
« Je vais faire un parralèle avec le monde de l’entreprise. Quand on lance un service avec un objectif clair, il faut lever tous les freins à l’adoption. Et le fait de pouvoir monter dans un bus sur un coup de tête est un vrai retrait d’obstacle. Une fois le geste adopté, l’usager peut voir l’effet positif démontré. Et ensuite, il peut mettre le vrai prix. Beaucoup de start-up qui débutent font de la gratuité au début pour que les usagers testent leurs services, parfois à perte, avant de faire payer. Ces stratégies sont basées sur des études. »
« C’est quelque choe qui déresponsabilise », Ségolène Guichard – 1ère vice-présidente
« Nous, à Epagny-Metz-Tessy et avec mon homologue Roland Daviet, on est contre la gratuité par principe et par expérience. C’est quelque chose qui déresponsabilise les citoyens. C’est pour cela que lui votera contre. Moi, malgré tout, je voterai pour parce que ça ne durera que quatre mois et qu’après ça, on saura enfin si c’est efficace ou pas. »
« C’est comme un échantillon », Frédérique Lardet – présidente
« L’an passé, les lignes du lac ont fait 40 000 euros de recettes pour 500 000 euros de dépenses, et l’été prochain, on va faire une croix sur 100 000 euros de recettes potentielles (il est prévu que les fréquences augmentent) et y mettre 1 million d’euros. Tout ça pour dire que le bus, ça n’est pas rentable. Et ça ne le sera jamais. Mais ça n’est pas une raison pour ne rien faire. La gratuité, c’est comme un échantillon. On donne quelque chose de gratuit aux gens pour qu’ils y reviennent. »
« Voyons comment ça se passe dans d’autres villes », Thomas Meszaros – vice-président en charge de l’enseignement supérieur
« C’est dommage d’expérimenter alors que cela se fait déjà dans d’autres villes ou agglomérations. Voyons comment ça se passe ailleurs et tirons-en les conclusions. Et mettons ensuite en place quelque chose d’efficace et de pérenne. »
Les aspects pratiques :
Cet été, les lignes des plages (qui seront rebaptisées lignes du lac) vont évoluer. La liaison Annecy-Duingt fonctionnera désormais les week-ends de juin et septembre ainsi que tous les jours en juillet et en août. Idem pour celle conduisant à Talloires, dont la fréquence sera par ailleurs doublée. Parallèlement, cinq nouvelles lignes vont voir le jour. Deux en direction des sommets (col de la Forclaz et Semnoz) et trois internes aux villes suivantes : Sevrier, Saint-Jorioz et Menthon-Saint-Bernard-Bluffy. Ces dernières serviront à transporter les usagers depuis les parc-relais installés dans ces communes vers les plages de ces mêmes communes. Toutes ces lignes seront donc gratuites, de même que les parc-relais précités. Seules les personnes embarquant un VTT vers le Semnoz paieront un supplément (5 euros).
Enfin, cette gratuité fait partie d’un panel de dix actions mises en place par la collectivité en vue d’améliorer les mobilités saisonnières sur les rives du lac. Cela signifie que d’autres annonces suivront prochainement.
Date de mise à jour : 18/11/24
Date de création : 29/03/21
Source : Jean-Baptiste Serron