Le sujet est ultrasensible. Les questions d’urbanisme inquiètent ou mobilisent nombre de riverains au gré des programmes immobiliers depuis des années dans la cité lacustre. Car construire à Annecy n’est pas une mince affaire. Mais alors comment «bien construire» ? Telle est l’ambition que se sont fixée les nouveaux élus arrivés aux manettes en 2020, et qui n’avaient pas été avares de critiques sur la "bétonisation" de la ville» lors des dernières élections municipales.
« Une logique d’embellisseurs » :
Pour tourner la page, ils ont mis en chantier un guide en s’adjoignant les services d’experts et en invitant les professionnels de la construction à des ateliers. La démarche a été lancée début 2021 et s’est accompagnée, en parallèle, d’une vingtaine de refus de permis de construire, déclenchant l’ire des promoteurs. Un peu plus d’un an après, ces derniers – comme les autres acteurs du secteur – ont été conviés à une grand-messe, mardi 3 mai à Cap Périaz, pour la présentation de ce fameux « Référentiel du Bien construire Annecy ».
Ce que le maire d’Annecy, François Astorg qualifie « d’outil mais aussi [de] méthode claire et volontariste ». L’idée étant de faire venir les promoteurs autour de la table en amont du dépôt du permis de construire, pour étudier leur projet à travers le prisme de ce document-cadre, qui émet toute une série de préconisations pour les futurs immeubles (mixité sociale, végétalisation, mobilités… ; lire par ailleurs).
Car il faut encore produire des logements – pour faire face à la forte demande sur le territoire annécien –, mais les penser différemment, à l’aune du réchauffement climatique, estime l’exécutif. « Nous ne sommes plus dans une logique politique de bâtisseurs mais d’embellisseurs », déclare Nora Segaud-Labidi à la tribune. Et la puissance publique veut se faire entendre des aménageurs. « Il faut arrêter de croire que le marché va pouvoir répondre aux besoins », juge l’adjointe à l’aménagement durable et à l’habitat.
PLU, concertation… les doutes des professionnels :
Cette « nouvelle ère » laisse pour autant les professionnels annéciens dubitatifs. S’ils partagent la nécessité de repenser l’aménagement de la ville, ils défendent les projets sortis de terre par le passé. « On n’a pas de catastrophe architecturale à Annecy », soutient Grégory Monod, le président du pôle habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB). Et Sébastien Aldao, promoteur d’Alpéa, de renchérir : « Les promoteurs respectent les lois. Il y en a 6 000 quand on construit un logement, c’est contraignant. »
Surtout, ils s’interrogent sur l’application concrète du nouveau référentiel. « Il est impossible de faire un projet sur Annecy qui respecte les 75 pages », juge Sébastien Aldao. Et puis, cette charte a des limites réglementaires. « C’est le PLU [plan local d’urbanisme, NDLR] qui fige les hauteurs », rappelle l’architecte Philippe Panero, en constatant que les nouveaux critères feraient perdre un étage à un de ses clients.
La volonté de renforcer la concertation avec les habitants inquiète aussi. « On ne va pas construire les opérations en fonction des avis des voisins », martèle Vincent Davy, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) des Alpes, même s’il admet qu’il faut « de la pédagogie ». De toute façon, « avoir un foncier accessible, c’est le maître-mot », lance Antoine Machado, président-fondateur du promoteur Priams. Sans cela, « toutes nos bonnes intentions collectives n’auront pas d’écho », avertit-il.
Un cadre qui n’est pas encore figé :
« Tous les curseurs ne vont pas pouvoir être cochés », reconnaît Nora Segaud-Labidi, interrogée par l’Essor, mais l’idée est de remplir « un maximum de cases ». Et surtout qu’il y ait « une prise de conscience ». Reste maintenant à savoir comment ces «bonnes pratiques» vont s’intégrer dans le futur PLUi habitat mobilités bioclimatique du Grand Annecy en 2025, alors que les documents d’urbanisme actuels des six communes déléguées d’Annecy sont devenus « complètement obsolètes ». Ce qui est certain, en revanche, c’est que les constructions ne sont pas près de s’arrêter. « Nous n’aurons d’autres choix que de densifier. On ne va pas dire aux gens : ne venez plus. La question est où ? », admet François Astorg face aux promoteurs annéciens.
Les chiffres sur le secteur du Grand Annecy :
602 Mises en vente de logements collectifs neufs en 2021 (-18,5 % par rapport à 2020).
838 Réservations de logements collectifs neufs en 2021 (+7,3 %).
Source Enquête sur la commercialisation des logements neufs (ECLN).
Date de mise à jour : 18/11/24
Date de création : 11/05/22
Source : Maxime Petit